Les aveugles du temps

2 août 2016. Midi trente. Je suis en retard au travail. Je suis pressée. Stressée. Rien ne va assez vite! Mes enfants qui ne veulent pas se dépêcher, mes clés qui me jouent des tours et, finalement, ma voiture qui ne part pas! Sans parler du trafic! Mon patron va le remarquer. Et me le faire sentir. Je suis foutue! C’est la troisième fois ce mois-ci. Il va me mettre à la porte, c’est sûr!

Mais quelle mauvaise idée, aussi, de vouloir dormir plus longtemps. J’aurais dû être plus efficace ce matin. Me lever tout de suite quand mon réveille-matin a sonné, et ainsi j’aurais pu faire plus de tâches avant de partir. Mais non, j’ai préféré continuer à me prélasser comme une reine dans mon lit, et me voilà en retard et à la porte. Bien joué, la grande!

Pourquoi la voiture devant moi n’avance-t-elle pas plus vite?! Je suis pressée!

Il me faut un café pour me réveiller. Je voudrais arrêter dans une commande à l’auto, mais il y a une file et je n’ai pas le temps d’attendre plus longtemps. Tant pis!

J’aimerais tellement cela avoir une journée de congé pour pouvoir me reposer. Cela fait si longtemps que ce n’est pas arrivé! Le manque de sommeil va finir par me tuer.

Un camion, chargé de marbre, est arrivé à toute vitesse sur la route venant de la droite. Il a freiné. Il a commencé à déraper vers moi en klaxonnant et faisant des appels de phare. Je voyais cette masse blanche, tout ce marbre, qui allait m’écraser. Cinq éléments principaux dans cette dernière image : le camion blanc sur la droite, un autre camion devant moi, des barrières infranchissables à gauche, cinq ou six véhicules qui me suivent de près dans le rétroviseur, mes mains sur le volant.

 

Je me suis réveillée, aveugle et à l’hôpital, trois mois plus tard. Et c’est là que j’ai compris que je ne pourrai jamais échapper au temps.